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La question revient souvent et comme c'est un outil très utile aux bassistes, je me fends d'un petit sujet sur la question.

Historique

Comme son nom l'indique, la notation Nashville est née à Nashville, Tennessee, USA, plus précisément dans les studios de Nashville.

La ville est connue pour être le berceau historique de la country musique, du bluegrass et plus généralement un des principaux lieux de création de musique mainstream, populaire, voire variétoche US.

Les studios y sont très actifs et très chers, les musiciens presque exclusivement des requins de studio spécialisés qui bien souvent découvrent le morceau au moment de l'enregistrement. Le travail se fait évidemment sur partition pour les arrangements bien huilés mais dans bien des cas, les auteurs compositeurs interprêtes n'ont qu'une connaissance limitée de la théorie musicale, une propension à la transposition des morceaux suivant leur humeur et leurs capacités et des petits budgets.

Approche et philosophie

Le système Nashville a été conçu pour répondre aux impératifs locaux.

Il est aussi concis et immédiat que possible, facile à écrire, bien adapté pour les morceaux simples et facile à transposer d'une tonalité à l'autre.

Il ne prend pas en compte la mélodie, la rythmique ou les notes, seulement la structure des morceaux et leurs accords, utiles pour les sections rythmiques.

Il implique une connaissance minimale de la théorie musicale, du fonctionnement des modes, accords, gammes et tonalités.

Il reprend, à dessein ou par hasard le principe du solfeggio de la notation classique, dans lequel les intervalles et non les notes des accords de basse sont indiqués au dessus de la partition.

Comment ça marche

Les gammes diatoniques (heptatoniques) sont basées sur 7 degrés séparés par des intervalles fixes : t, t, 1/2 t, t, t, t, 1/2t

(Exemple en tonalité de do majeur : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do)

A chaque degré de la gamme correspond un accord immuable, qu'on retrouve dans toutes les tonalités : M-m-m-M-M-m-mb5

(Exemple toujours en do majeur : do, ré m, mi m, fa, sol, la m, si m b5)

Le principe de base de la notation Nashville est d'exprimer chaque accord par son degré dans la gamme, représenté par un numéro de 1 à 7.

(Exemple une fois de plus en do majeur : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7)

La notation se base sur un changement d'accord à chaque mesure et sont regroupés 2 par 2. Les notes sont incrites sur une même ligne.

Les numéros n'indiquant qu'un rang dans la tonalité, il faudra spécifier avant de jouer la tonalité choisie pour le morceau.

A partir de là, toutes les notes utilisables découlent naturellement, à condition de connaitre un peu ses gammes.

nashchart.gifMise en pratique

Imaginons qu'un morceau soit basé sur un blues en 12 mesures, tonalité de sol, avec néanmoins un accord différent sur la troisième mesure.

Sol sol ré sol

Do do sol sol

Ré do sol ré

Sol est le premier degré de la gamme de sol majeur, do est le 4ème, ré est le 5ème.

En substituant chaque accord par son degré dans la gamme, on obtient :

1 1 5 1

4 4 1 1

5 4 1 5

En notation Nashville, la structure du morceau s'écrira : 11 51 44 11 54 15. (tonalité : sol)

On peut facilement indiquer la structure d'un morceau en ajoutant à la fin d'une ligne le nombre de fois qu'on veut la voir jouée : 11 51 44 11 54 15 x4

Supposons que votre chanteur soit enroué et décide de baisser le morceau d'un ton. La notation est identique, il suffira de préciser (tonalité : fa)

Les tonalités mineures ne sont pas prises en compte, on indique seulement leurs degrés dans la tonalité majeure relative correspondante.

Supposons qu'on vous présente la ligne suivante : 13 15 11 33 (tonalité : fa).

Vous connaissez la gamme de fa. Vous savez que le premier degré est fa et correspond à un accord majeur. De même, le 3ème est la mineur et le 5ème, do majeur. La grille d'accords du morceau est :

Fa lam fa do

Fa fa lam lam

Sachant jouer la gamme majeure, vous pouvez même vous passer de nommer les accords. Il suffit de les placer directement sur le manche en jouant les degrés de la gamme de fa majeur directement. Facile sur une basse où les notes sont placées symétriquement.

Si vous avez l'habitude de jouer un gros répertoire de reprises en vous battant avec un gros lutrin qui déborde de feuilles volantes, vous devez commencer à percevoir l'intérêt de la chose. :)

Altérations et compléments

Un bon 90 % des morceaux pop et rock sont bâtis sur les accords de base des gammes et n'utilisent guère plus d'un changement d'accord toutes les 1 ou 2 mesures.

Pour les autres, la notation Nashville permet de prendre en compte quelques subtilités complémentaires.

* Transposition en cours de morceau; on vous a déjà fait le coup du demi-ton ? *

Chère entre autres à Michel Sardou (Elle court, elle court...), aux Everly Brothers (Bye bye love...) et à Jean Jacques Goldman (Je te do-o-onne...), la transposition de toute la grille d'un morceau est un grand classique de la musique populaire qui permet à peu de frais de calmer le jeu, de relancer l'intérêt ou d'ajouter de la tension.

Sa prise en compte dans le système Nashville est simplissime, puisqu'il est conçu pour ça. La notation de la structure est identique, il suffit de préciser le changement de tonalité au moment opportun. Pour remprendre l'exemple ci dessus :

11 51 44 11 54 15. (tonalité : sol) x7

11 51 44 11 54 15. (tonalité : fa) x1

Ceci indique que la grille d'accord sera jouée 7 fois en sol, après quoi le morceau sera descendu d'un ton pour la durée d'une grille.

* Accords en dehors de la gamme *

Il arrive souvent qu'un morceau emploie des accords qui ne rentrent pas dans une gamme diatonique basique. Lorsque cela arrive, on utilise pour le signaler la notation M ou m derrière le degré altéré.

Une progression do, rém, mim, do en tonalité de do se note : 12 31

Si le ré est majeur soit do, ré, mim, do, on notera : 12M 31

Si le dernier do est mineur soit do, rém, mim, dom, on notera : 12 31m

* Renversements d'accords *

La notation d'un accord renversé se fait en utilisant une barre de fraction suivie de la note de basse. Pour éviter toute confusion et respecter la logique d'ensemble, on ne note pas le degré de l'accord mais le numéro correspondant au degré utilisé en basse.

Plaçons nous en tonalité de do pour les exemples suivants.

1/3 indique un accord de do majeur (1 => premier degré de la gamme de do) avec un mi (3 => 3ème degré de la gamme de do) joué en basse. Do majeur est composé de do, mi et sol. Il faudra donc jouer mi, sol do.

Nous cherchons à représenter un accord de fa majeur, renversé avec la quinte en basse. Fa est composé des notes fa, la, do. Do est la quinte de fa et le premier degré de la gamme de do majeur.

Il faudra noter 4/1.

* Métrique *

Les morceaux sont implicitement composés de mesures paires soir C barré, 2/4, 4/4, 4/8.

Une métrique différente sera simplement indiquée en tête de morceau, en même temps que la tonalité.

* Octaves, neuvièmes et plus *

On peut utiliser des numéros au delà de 7 pour symboliser les accords à l'octave.

Tonalité de fa, on cherche à noter une grille composée de solm, lam, fa, fa de nouveau mais une octave au dessus.

On notera 23 18.

* Plus ou moins d'un accord par mesure *

Le système ne prend pas en compte la rythmique, uniquement l'harmonie.

Par conséquent pour noter un accord qui se prolonge ou est répété sur plus d'une mesure, on notera indifféremment son degré plusieurs fois.

Pour noter un blues mineur 12 mesures par exemple : 66 66 22 66 32 66.

Plusieurs changements d'accords au sein d'une même mesure seront notés entre parenthèses.

En 4/4 et tonalité de sol, (12)4 représentera 2 temps de sol majeur, 2 temps de lam et 4 temps de do majeur.

En 3/4 et tonalité de do, (221)4 représentera 2 temps de ré mineur, un temps de do majeur et 3 temps de fa majeur.

* Accords "complexes" *

Les accords autres que majeurs et mineurs à 3 tons peuvent être figurés par la méthode.

L'ajout des septièmes est possible, il faudra ajouter m ou M devant pour éviter toute confusion.

2m7 : Accord mineur, 7ème mineure.

Si l'on combine une altération de la tierce (changement de l'accord de majeur à mineur ou inversement) et une septième, il faudra indiquer les deux.

2M7M : Accord majeur sur le 2ème degré de la gamme, 7ème majeure.

Les dominantes sont indiquées par un X, la dominate de septième étant implicite. Si vous voulez utiliser une autre dominante il faudra le préciser.

5X : 5ème degré de la gamme, accord 7ème de dominante.

4X9 : 4ème degré de la gamme, accord neuvième de dominante.

D'autres altérations sont possibles par le biais de dièses et bémols ou suspension, en suivant les notations d'accords traditionnelles.

7#5 : Accord mineur sur le septième degré, en lieu et place du mineur bémol5 habituel.

2sus4 : Accord avec quarte suspendue.

On peut bien sûr combiner diverses altérations :

5mb5X/2 : Un que le jazzeux aiment bien, l'accord mineur septième de dominante avec quinte diminuée renversée en basse.

Malheureusement en complexifiant la notation, on retrouve l'eccueil classique de la notation d'accords par lettres et chiffres : Le truc devient illisible et imprécis, sujet à discussion et à erreurs, d'autant qu'aucune norme d'écriture stricte n'existe, chacun faisant sa propre petite cuisine. A réserver aux cas particuliers et à petite dose. Sur des suites d'accords complexes, la notation Nashville perd de son intérêt. Elle est conçue pour les structures simples.

Usage

La notation Nashville aide à comprendre la structure d'une chanson et le fonctionnement des accords. Rien que pour ça, la connaitre au moins dans ses bases est une aide précieuse.

La basse étant un instrument symétrique, les schémas de gammes y sont toujours identiques. La notation rend l'apprentissage et la transposition des morceaux d'une smplissité enfantine.

Elle est parfaite pour échanger les accords d'un morceau au cours d'une répet ou d'un boeuf. Pas besoin de portée ni de tablature vierge, un bout de papier chifonné et un stylo suffisent.

Elle est idéale pour mémoriser rapidement une grande quantité de reprises et pour le déchiffrage à l'oreille. De fait, elle habitue à positionner les accords au sein de la gamme et à retrouver instantanément la tonalité d'un morceau ainsi que sa structure. On s'aperçoit vite que les chansons sont presque toutes composées sur des bases identiques.

Ce système n'est pas exhaustif ni figé, il n'est pas fait pour ça. On peut le rapprocher de la sténographie ou du langage sms, qui ne remplacent pas le français mais sont pratiques, d'un usage immédiat et rapide. A étudier ne serait-ce que pour le fun.

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Bonne digestion. J'ai pondu ça en courant, si certains points ne sont pas clairs il faut me le faire savoir. Je tiens à insister, n'espérez pas tirer grand profit de cette méthode sans connaissance du fonctionnement basique des gammes et des accords.

M'en vais coucher moi.

  • Like 3
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T'as des insomnies productives.

Bravo et merci Jazz.

Posted (edited)

Je me rend compte que je la connaissais, mais pas sous ce nom (sous aucun nom en fait), et surtout avec des chiffres romains.

Quand je l'utilise c'est toujours avec des chiffres romains, ca évite notamment la confusion entre les notations des accords et les degrés : 3m7 pourrait se confondre avec 3m 7, pour peu que ca soit griffonné un peu trop vite (et c'est souvent le cas car c'est fait pour), alors que IIIm7 non. Ou bien ca permet juste de séparer clairement les 2 domaines, un "3" est toujours une tierce et jamais un 3eme degré. Pour noter l'accord de dominante c'est un poil plus immédiat puisque ca conserve la logique connue, G7 en do devient V7 au lieu de 5X. Enfin tout ca ce sont des détails, l'idée à la base est la même.

En fait l'idée est simplement de noter les grilles d'accords en remplaceant les noms des notes (de A à G) par leur degré.

En revanche je n'avais jamais vu la notion de les grouper deux par deux, en général pour ma part je note les mesures, et j'essaye de conserver la logique du morceau (souvent des groupes de 4 mesures) et ca donne par ex pour un blues avec anatole au bout (j'écris en minuscule pour différencier les i romains des barres verticales, mais en vrai j'écrirais un i romain majuscule avec ses 2 barres aux extrémités) :

i | iv | i | i

iv | iv | i | i

v | iv |iii vi | ii v

De même on écrira si besoin IIb7add11 ou autres joyeusetés du genre.

Edited by Basstyra
Posted

merci beaucoup Jazz Ad, article passionnant, complet et limpide !!! Je ne connaissais pas, quand tu en as parlé hier dans un autre sujet, j'ai cherché sans rien trouver de convaincant. Je me sens moins bête maintenant ;-)

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Ah bah du coup, je m'aperçois que comme les camarades du dessus, je connais le principe avec les chiffres romains. En tout cas bel article, celui là il aura droit à son introduction dans le wikibass, quand le wiki sera redevenu fonctionnel !!

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bah oé, on dirait pas comme ça mais le Jazz il en a sous la casquette.

En fait c'est simplement une dérivée de l'harmonie classique , ou tous les chiffrages sont en degrés, et en rapport a une tonalité.

Contrairement a la notation jazz.

Bravo pour le topic.

  • 3 weeks later...
  • 3 years later...
  • 4 years later...
Posted

Quelqu'un m'a demandé aujourd'hui de lui expliquer comment marchait la notation Nashville, je lui ai imprimé le sujet.

Du coup je le remonte.

  • Like 1
  • 4 weeks later...
Posted

Bonjour,

Merci JazzAd, ce sujet me renseigne non seulement sur ce système de notation mais surtout sur ce qu'il me reste à apprendre. Étant débutant-autodidacte et ne sachant pas en quoi les gammes pouvaient me servir (je ne compose pas et ne fait pas de solo) j'ai enfin ma réponse.

Un grand merci.

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