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Cg Lutherie The Leaf


AlexB6

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Il y a quelques temps déjà, j’ai interpelé Cyril Grandgirard (CG) au sujet de sa Sequel hollow body dont il avait posté la fabrication sur Lutherie Amateur.
S’en est suivi de nombreux échanges, qui m’ont séduits, tant sur la richesse des réponses que sur la sensation de parler à un passionné.
Par la suite je l’ai vu évoluer avec ses créations, créer sa marque, j'ai vu grandir des basses headless dont j’affectionne les qualités, et puis j’ai tenté une première expérience luthesque avec le bonhomme. C’est une Yamaha BB405L somme toute banale que j’ai envoyé chez lui, pour qu’elle me revienne guillotinée, pour mon plus grand bonheur !
Cette expérience a été déterminante car elle venait confirmer certaines choses: Cyril aime les défis, les headless, déborde d’humilité et est aux petits soins avec ses clients.

L’année 2015 a été particulière pour moi : naissance de mon fils, mais aussi pas mal de soucis perso dont la santé qui a flanchée. La conception de cette basse partait de là : opter pour un instrument qui me faciliterait la vie.
La base de la réflexion c’était le modèle Silen que propose Cyril. Après l’avoir décliné en version avec corne inférieure inversée, voilà que je retrouve dans mes archives une photo de basse shortscale headless singlecut que j’avais conçue mais dont j’avais perdu le plan…
Finalement, en retouchant un des plans de Cyril on finit par tomber d’accord sur ce que sera cette shortscale headless singlecut, à savoir un mélange entre mon projet d’il y a quelques années, qui conserve le décroché de la Silen au niveau des molettes de réglage, et des specs issus de mes basses précédentes.
La conception par mails interposés s’est étalée sur le mois de Décembre 2015, et déjà à ce niveau on dépasse la centaine de mails, quasi quotidiens…

Les hostilités démarrent début 2016, pour s’achever quelques temps avant le fameux Bass Day d’Annecy le 24 Avril dernier.
Durant cette période, c’est un Cyril hyper-emballé par mon projet qui m’a tenu au courant régulièrement de l’avancée des travaux (si ce n’est pas plusieurs fois par jour !), qui a pris en compte chaque détail mentionné dans mon cahier des charges.
Ce Bass Day était l’occasion de le rencontrer en chair et en os, afin de pouvoir le remercier et également d’apprécier le reste de sa production, et de constater que je ne m’étais encore une fois pas trompé à son sujet !
C’était aussi l’occasion de donner mes impressions sur cette basse que l’on prénomme désormais « The Leaf », en référence non pas à sa légèreté (on va dire qu’elle en a sous le capot), mais plutôt à ce qu’elle inspire de par sa couleur, son design… C’est également une métaphore de ce que je recherche, à savoir un repos de l’esprit à travers l’art.
La musique adoucit les mœurs, et cette basse ne fait que faciliter cela dans son usage.

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Caractéristiques

Headless / 6 cordes / singlecut

Date de production : Mars 2016
Construction : manche vissé en 6 points (vis à 6 pans)

Diapason : 31’’

Corps : table érable ondé curly, corps tilleul
Manche : érable ondé 3 pièces + filets noirs; 2 truss-rods; 1 renfort carbone central

Profil : en C presque plat, épaisseur 19mm à la 1ère frette, 20mm à la 12ème.
Touche : érable ondé 24 cases + binding ébène

Repères : Luminlays (uniquement sur la tranche)

Radius : compensé 16’’->20’’

Sillet : laiton, largeur 50mm
Frettes : fines, type vintage

Rampes : 1 bloc micro (même bois que le corps) ; 1 rampe slap (érable ondé), radius 20’’
Chevalet : pontets individuels ABM, string spacing 18mm

Micros : 3 Delano SBC6 HE/S-4 (quad coils)
Électronique : Tonalité générale ; volume + toggle 3 positions (micro manche et chevalet) ; volume (micro milieu) ; un switch parallèle/simple/série par micro ; embase jack sur la table.

Finitions : Corps et touche vernis brillant, manche vernis dépoli.
Couleur : un vert qui flirte avec le bleu sans jamais l'atteindre !

Confort et ergonomie

J’étais plutôt parti dans la conception d’une basse légère, au final malgré les dimensions on atteint les 4,3kg, du fait de la présence de trois micros mais aussi du hardware ABM qui n’est pas vraiment light comparé à du ETS.
Comme à mon habitude j’ai préféré visser les attaches courroie moi-même dès la réception, car étant maniaque sur ce point je voulais éviter d’avoir à percer de nouveau le corps si l’emplacement d’origine ne me convenait pas.
Une fois cela effectué, le constat est très positif : l’équilibre est parfait !
J’ai pas mal insisté sur la découpe stomacale à l’arrière du corps pour obtenir un positionnement optimal de l’instrument, et là encore j’avais vu juste. La basse vient se plaquer comme il faut, permettant de naviguer facilement sur le manche des graves aux aigus, ces derniers étant là aussi très accessibles (encore un point crucial pour mon jeu que j’ai évidemment soigné au design).
Les contrôles sont placés de manière spécifique, en gros plus c'est "accessible" plus c’est important :

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T = tonalité
Vjb = volume micro manche + chevalet
Vmm = volume micro milieu

Qualité de la lutherie

C’est un peu la grosse claque… Sûrement ce que j’ai eu de mieux entre les pattes depuis que je fais fabriquer des basses selon mes cahiers des charges.
Sur un plan esthétique (finitions), ce n’est pas parfait (c’est de l’ordre du détail), mais sur le plan fonctionnel je n’ai pas vraiment de comparaison, c’est au-dessus de tout.
Grosso modo, sortie de l’étui, j’ai pris 10min pour régler un peu la basse, et en avant ! Les truss-rods sont hyper réactifs.

L’action est indécente, là encore selon mes habitudes c’est en dessous de 2mm sous le Si grave et en dessous de 1mm sous le Do aigu… Easy j’ai envie de dire ! Et c’est là que ça devient intéressant. Le frettage est tellement bon que j’ai zéro frise, ZÉRO ! Alors que j’ai une action ultra basse et que je suis en 31’’… Where is the poop ? J’ai pas trouvé !
Le bloc micro s’ajuste à l’aide de quatre vis à 6 pans, ça change des cruciformes dégueulasses.

Esthétique

C'est clair qu'on est pas dans le traditionnel ! Bien qu'à la base je partais pour un design doublecut, mon penchant pour le singlecut est bien trop développé pour me contenter de la première option. Elle est similaire à ma Calmon, bien que le croquis de départ ne le soit pas.
Cela traduit surtout une perception inconsciente et bien ancrée de ma façon d'imaginer une basse singlecut.
La construction headless, rien à faire, j'y suis fortement attaché, je n'y vois que des avantages, surtout sur le plan pratique. Combiné au diapason court, cela donne une bonne compacité à cette basse.
La couleur choisie, c'est un peu un vieux rêve qui se réalise ! Traumatisé depuis longtemps par la Yamaha John Myung Turquoise, j'ai toujours voulu retrouver cette idée sur une basse, l'occasion était trop belle avec cette table en érable aux ondes anarchiques...
Sur les photos on s'approche d'un vert malachite, mais en réalité c'est bien plus foncé et discret. En concert ça ressort très peu voire pas du tout, mais dès qu'on s'approche on s'en prend plein les yeux.
Une petite comparaison avec sa grande soeur de chez Calmon :

2v96bm8.jpg

Pour info, la longueur totale de la Calmon c'est environ 103cm, et 94cm pour la CG.

Prise en main

Suite à ces quelques minutes de réglages, une chose me frappe (aïeuh !) : cette basse se joue facilement, mais genre… beaucoup trop ! Ça fait 10min que je l’ai sortie de la housse, j’ai l’impression que je la joue depuis des mois…
Aurais-je trouvé LA formule magique, l’alchimie parfaite ?
Tout passe sans effort, et je m’aperçois du détail qui fait la différence : la largeur au sillet.
En effet, souvent on a 54mm au sillet sur 6 cordes, et 45mm sur 5 cordes. Là je suis presque au milieu, avec 50mm.
Du coup je n’ai pas vraiment la sensation de jouer sur 6 cordes.
Je reprends ma Mermet, 6 cordes en 34’’… Et là je déchante. Je comprends vite que les proportions du manche de la CG me correspondent finalement davantage que des basses standards. Je fais le test avec mes autres basses, des 5 cordes en majorité : même verdict.
Pour le reste, même si c’est une 31’’, bourriner les cordes ou bien slapper comme un sauvage ne pose aucun problème.
Mais point besoin d’envoyer le steak : c’est toute la magie de cette basse, chaque note sort sans forcer, bien articulé.

Les rampes me permettent de développer mes techniques favorites avec finesse, elles sont terriblement bien ajustées ! Là aussi j'ai bien veillé à donner des indications précises à Cyril pour avoir l'amplitude de réglage nécessaire et éviter les mauvaises surprises.

Son

C’est durant la conception de la basse qu’est remonté à mon esprit cette idée d’avoir trois micros sous le même capot bois.

Je voulais pouvoir flirter avec des sonorités MM et Modulus Turbo selon les situations, sans avoir la prétention d’égaler cela. L’occasion était trop belle de pouvoir faire quelques explorations sonores…
Donc quand je dis qu’il y en a sous le capot, ce n’est pas vraiment au figuré !
Pour les pointilleux, c’est configuré ainsi (on considère le centre du micro, par rapport à un diapason 34’’) :

- micro manche : en position PB

- micro milieu : en position MM

- micro chevalet : 1cm plus près du chevalet que la position 70’

La configuration quad coil de ces micros Delano permet, lorsqu’on est en position « simple », d’avoir un micro type Precision au lieu d’un single coil type JB.

Si vous avez suivi, quand les micros manche et chevalet sont splittés en simple, je suis en configuration Double Precision.

On commence avec un mini-tour d'horizon sur un groove basique, tonalité ouverte, tout en série :

Voir le Fichier : CGTL_1.mp3

Dans l'ordre : manche / manche+milieu / manche+chevalet / milieu+chevalet / milieu / chevalet

Un petit slap dans les graves en C#, micros manche et chevalet en "simple" (donc double Precision) :

Voir le Fichier : CGTL_2.mp3

Un autre groove funky lent, composé pour mes élèves :
Voir le Fichier : CGTL_3.mp3

Dans l'ordre : micros manche+chevalet en simple / parallèle / série, puis micro manche simple tona fermée, suivi du micro chevalet en série tona fermée

Un petit 6/8 aux couleurs africaines, composé d'une rythmique type guitare, d'un groove influencé par la méthode d'Aladji Touré "Les secrets de la basse africaine", et d'un petit chorus. Là pour le coup j'utilise une simu de mon Zoom B1xon, car cette basse comme je signale un peu plus bas m'a donné envie d'approfondir et d'embellir mon son de basse : Voir le Fichier : CGTL_4.mp3

J'ai poussé le bouchon jusqu'à la tester en Drop La sur un riff d'un de mes groupes (métal prog/djent).
Médiator, les 2 micros chevalets en mode série, et une Darkglass B7K Ultra en bout de chaîne (uniquement la partie disto, le préamp reste à midi)...
Voir le Fichier : CGTL_5.mp3

Voici une vidéo dans laquelle je joue un bout de composition assez tordu :
 

 

Conclusion

J’ai souhaité faire la synthèse de mes expériences passées en lutherie, je pense y être arrivé.
Regrouper autant de « bonnes specs » dans un instrument, avec en plus un design perso (cette fois-ci j’ai plutôt greffé mes idées sur un plan de Cyril), ça demande une bonne définition du cahier des charges et une belle entente avec le luthier.
Cyril a vraiment bien bossé pour m’offrir ce vecteur d’émotions et de grooves que représente The Leaf.
Surtout, cette basse me fait renouer avec une certaine assurance dans le choix des instruments et de l’identité musicale.
Je n’ai jamais aimé les conventions, cette basse en est encore une preuve.
Elle me donne de nouvelles perspectives, notamment sur la relation basse/ampli, la gestion du son, et surtout le développement d’idées musicales nouvelles. Bref, elle me donne envie d’améliorer mon jeu et mon son, et de m’améliorer au niveau de l’expressivité.

 

Edited by AlexB6
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Elle sonne, la bougresse. Et son propriétaire sait la faire chanter. :)

Et je confirme (pour avoir également pas mal échanger avec lui) que Cyril est à l'écoute, ultra réactif et propose constamment des possibilités annexes.

Edited by mistergroovy
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Cool. En tout cas, je viens de relire ta review, elle est très intéressante. Qu´est ce qui te pousse à tant expérimenter en termes de lutherie ? Ce sont des investissements onéreux et je doute que tu rentres dans tes frais si l´on considère cela comme un investissement de musicien pro...

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Pour l'avoir vu, cette basse est magnifique, et son propriétaire la maitrise et la fait sonner à merveille. Je pense que tu as su tirer le meilleur de Cyril avec cette réalisation, et je pense aussi que Cyril n'a pas fini de nous surprendre. Mais bon, ta calmon était top aussi (JV l'a vraiment apprécié) et j'ai craqué aussi sur l'esthétique de ta mermet.

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Pour situer un peu, je ne fume pas et je ne bois pas, je ne suis pas du genre à me ruiner pour le dernier smartphone à la mode... D'autre part, la musique est ma seule passion, et c'est aussi mon métier. :)
Donc quand j'achète un truc qui se rapporte à la pratique musicale, depuis quelques années j'essaie de faire concorder les deux aspects. D'ailleurs je parle souvent de la balance besoins/envies.

Mes instruments rassemblent la plupart du temps des spécifications plutôt basiques sur le papier. Si on regarde la CG, le combo tilleul/érable, c'est assez neutre, et combiné avec un placement micros standard et une électronique passive, on peut pas dire que l'innovation soit au rendez-vous.
Mais là où ça va loin, c'est sur la recherche de confort et d'ergonomie, pour faciliter la prise en main. Je déteste lutter sur un instrument pour en sortir quelque chose, il faut que ça réagisse sans que je sois obligé de forcer. Tout ça rentre dans la case "besoins".

Après pour les "envies", ce sont surtout le design et les finitions qui les traduisent. Je pourrais tout à fait jouer sur une basse avec tête et en doublecut et un finish plutôt Fenderien (ah tiens, c'est déjà le cas avec mes Ramsay ^^), mais ma relative capacité à concevoir un instrument me fait dire que ça serait du gâchis de ne pas jouer la carte de la singularité.

L'aspect humain me plaît beaucoup dans le fait de faire fabriquer un instrument à sa mesure. C'est toujours gratifiant de voir que le luthier s'éclate sur le projet mais aussi qu'il respecte le cahier des charges, on a vraiment le sentiment d'être compris et écouté, c'est un point assez important chez moi.

Enfin, je suis très perfectionniste. Je reste souvent insatisfait dans la vie de tous les jours, donc faire fabriquer une basse selon ses plans et son cahier des charges, et voir le résultat final qui pète à l'oeil et aux oreilles, c'est quelque part une satisfaction de l'égo.

En résumé, je GASe utile, mais je GASe quand même !

Edited by AlexB6
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Idem

Mais je ne place pas le GAS dans le "plaisir" c'est plutôt une contrainte.

Par conséquent un GAS utile n'est pas vraiment un GAS formi.

Excellent probe, je suis fan de l'innovation deign des instrument et je te suis dans ton raisonnement sur l'adaptation de l'instrument au musicien.

La résistance au changement est extrêmement tenace (PB 4 cordes passive épicétout etc....)

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