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Quand le dernier arbre aura été abattu, Quand la dernière rivière aura été empoisonnée, Quand le dernier poisson aura été péché… L’homme blanc s’apercevra que l’argent ne se mange pas. ... C’est l'une des plus célèbres citations du chef Apache Geronimo, mais pourtant, et sauf erreur, les Amérindiens naviguaient, pêchaient, chassaient et exploitaient les arbres, n’est-ce pas ? Effectivement, la nature a toujours eu et aura toujours besoin de se renouveler. Et nos anciens à nous l’avaient aussi bien compris que les Amérindiens. Dès 1989, mes premiers instruments étaient quasi intégralement réalisés en espèces dites "de pays", non pas par conviction écologique ou pire encore, par souci de bonne conscience politico-commerciale, mais par simple manque de moyens. Ainsi mon premier modèle Custom-I (Pretty Woman) est réalisé à 100% en frêne de marais français et érable champêtre français, et je pense que son propriétaire qui la joue depuis 1990 ne s’en est jamais plaint. Idem pour mes premières basses Africa Long Scale et Tenor qui arborent des manches en érable français, et respectivement loupe d’ormeau et frêne-olivier pour les corps.... Alors jeune débutant, quand je montrais mes réalisations à des luthiers "établis", je recevais de leur part des compliments sur la qualité prometteuse de mon travail, mais une moue un peu dubitative quant à la "pauvreté" des matériaux employés... Dont acte, malgré tout ce que j'ai pu entendre j'ai néanmoins suivi ma ligne de conduite, mettant un point d'honneur à promouvoir les qualités acoustiques et mécaniques bien réelles de nos espèces locales à chaque fois que je l'ai estimé opportun (près de 50% de mon stock provenant même du seul Poitou-Charentes). Je n’ai acquis mes premiers stocks d’ébène et de palissandre qu’à partir des années 2000, cette fois-ci non pas par manque de moyens, car j’avais trouvé des qualités évidentes à nos essences locales, mais simplement pour répondre à des demandes plus spéciales. La recherche d'équilibre et de compromis entre espèces exotiques et de pays m’a toujours offert de merveilleux résultats. Les meilleures solutions passent avant tout par un jeu de compromis plus que par un raisonnement en "tout-ou-rien". Mais qu’en est-il finalement aujourd’hui ? Il y a trois ans, en visite sur un salon professionnel, j’ai surpris ça-et-là, au détour des allées, d’âpres discussions vantant les qualités à priori insoupçonnées de nos espèces françaises. Rien d’étonnant, me direz-vous, je le savais depuis toujours. D’ailleurs est-ce un hasard si les Custom Shops des plus grandes marques Américaines font leurs emplettes dans nos forêts des Vosges et du Jura et dans les pays d’Europe centrale ? En gros tout le monde est au courant depuis belle-lurette de la qualité des bois européens et il semblerait que cette nouvelle se répande finalement chez nous ! Rien d’étonnant... si ce n’est le fait que parmi ceux qui me déclinaient soudain avec passion ce grand plaidoyer pour des forêts tropicales qu’ils n’ont jamais vues et dont ils ne respireront sans doute jamais le moindre parfum, dans les preux croisés de cette nouvelle déontologie, j’ai bien cru reconnaître les mêmes illustres qui 20 ans auparavant m’assénaient la magnificence du palissandre de Rio et la suprématie du fabuleux ébène appelé le Noir du Gabon, tout en m’exhibant un stock de raretés exotiques à faire pâlir le plus blasé des bûcherons amazoniens ! Depuis peu, non seulement cette nouvelle "mode" est lancée, mais il s’avère qu’elle tend en plus à prendre des allures de quasi boycotte de toutes espèces exotiques sans distinction aucune. Ayant grandi en Afrique noire (qui n’est pas le dernier des continents à être sauvagement exploité), je pense avoir gardé dans mes souvenirs d’enfance une certaine idée des ravages de la déforestation intensive. Certes, il y a urgence, et chaque année la liste des espèces rangées aux différentes annexes des conventions CITES s’allonge dangereusement. Mais cependant je souhaiterais souligner les effets encore plus néfastes que pourrait occasionner un tel désintérêt en provoquant une chute du marché de l’exploitation officielle ; même si par ailleurs l’ensemble de la lutherie mondiale n’est pas pour l’heure le principal consommateur de ces essences... Mais de quel droit nous, les blancs de l’hémisphère nord, déciderions encore une nouvelle fois de l’avenir des pays du Sud ? Ces gens sont assez grands pour gérer leurs questions intérieures en s’affranchissant de notre avis, pour peu que nous leur en donnions réellement et sincèrement les moyens. Pour certains de ces pays, l’exploitation de leurs ressources naturelles reste la plus grande part de leur richesse nationale. Sans cette manne financière, les rares régimes encore modérés des régions équatoriales s’en trouveraient politiquement un peu plus déstabilisés, et par voie de conséquence tous leurs efforts économiques réduits à néant ; ouvrant ainsi la porte à des régimes peu regardants envers l’art de la démocratie et beaucoup moins scrupuleux envers les questions écologiques et l'exploitation sauvage des richesses naturelles. Quand j’entends ce type de recommandations à l’emporte-pièce, je ne peux m’empêcher d’y percevoir un nouvel argument commercial de "bonne conscience" : l’éco-responsabilité se vendant sans doute mieux que certaines guitares, il serait de bon ton de repeindre nos vieux concepts aux couleurs "circuit-court" et "production locale". Les systèmes binaires sont l’invention de l’homme pressé ou intéressé qui attend un résultat, la nature quant à elle n’attend rien, elle évolue seulement, elle obéit donc à des principes nuancés. A noter que les circuits dits courts ont toujours existé car issus de la logique de gestion la plus élémentaire, ce sont au contraire les circuits longs qui ont été enfantés par le mercantilisme sans conscience de ces trente dernières années. Sur l’île de Madère, j’ai visité des musées meublés de commodes et buffets en ébène, amourette ou palissandre de Rio massifs, le goût de l’exotisme a toujours été et sera toujours pour ceux qui en auront les moyens, mais l’armoire de mon salon héritée des mes aïeuls révèle la splendeur d’un simple noyer de chez nous ; toutes les beautés ont une place. La grande cuisine ce n’est pas une demi-langouste sur une tranche de foie gras, surmontée d’un pâté aux truffes et douchée d’une louche de caviar, la vraie cuisine c’est un juste équilibre de saveurs subtiles pensé pour surprendre et contenter ceux à qui on la destine. Ayant toujours respecté les directives mondiales en matière d’espèces réglementées, je ne vois pas pourquoi je pourrais, ni je devrais, aujourd’hui décréter de bannir l’usage des essences exotiques dès lors qu’elles font l’objet d’une exploitation encadrée et raisonnée. Ainsi ai-je décidé depuis déjà plusieurs années, et sans qu’on me le suggère, de donner la priorité aux sources d’approvisionnement ayant reçu la certification "Rainforest Alliance" (WWF) ou "Forest Stewards Council" (FSC). D'une manière plus pratique, l'achat de bois certifiés représente une majoration tarifaire de 20%, et même si ce coût n'est pas négligeable à l’échelle d’un stock, cela reste insignifiant dans le prix global d’un instrument, soit un effort bien dérisoire face aux retombées positives que cela engendre sur place. Mes fournisseurs sont les mêmes depuis maintenait un quart de siècle, sélectionnés sur leur déontologie et leur transparence, ils ont ma confiance et je ne prévois pas d’en changer. D’autre part, entretenant d’étroites relations avec plusieurs corps de métiers de la filière bois, je tiens également à souligner que certaines espèces bien de chez nous font également l'objet d'exploitations peu respectueuses en matière de "signature carbone". J’ai même reçu en cadeaux de la part de vieux ébénistes retraités des échantillons d’espèces autrefois présentes sous nos latitudes et qui en ont totalement disparu au fil des dernières décennies. Ce qui confirme bien que le débat porte beaucoup plus sur la nécessité d'une utilisation mieux raisonnée, que sur le choix décrété par les puissances de l’hémisphère nord, des continents qui recevraient ou non la pleine responsabilité de gérer eux-mêmes leurs propres ressources naturelles. Merci pour cette petite planète qui nous offre tant de si belles choses. A consulter pour plus d'infos... http://www.rainforest-alliance.org/fr/about/marks/rainforest-alliance-certified-seal http://www.wwf.fr/nos_priorites/reduire_l_empreinte_ecologique/certifier_les_filieres_bois_et_papier/label_fsc/?